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Miquel Barceló. SOL Y SOMBRA
Musée national Picasso, Paris
Commissariat : Violette Andrès et Emilia Philippot
Bibliothèque nationale de France,
site François-Mitterrand, Paris
Commissariat : Cécile Pocheau Lesteven
Du 22 mars au 28 août 2016
Par Emmanuel Daydé
la guerre du feu
Miquel Barceló,
réinventer et de détourner toutes les tech-
niques possibles – allant jusqu’à confier à
des termites xylophages le soin de ronger
ses xylographies ou à un photographe
aveugle de reconnaître ses moulages de
formes – pour mieux conférer une «physi-
cité» tellurique à ses scarifications maso-
chistes. Alors qu’il est allé se remettre
d’une rupture amoureuse à Lanzarote,
aux Canaries, l’île volcanique africaine lui
inspire un nouveau travail alchimique au
bitume où il grave à l’acide direct et peint
en dissolution, en utilisant des outils agres-
sifs qui servent à décaper la peinture des
voitures. « Sur une plaque de gravure, ça
produit des effets très… wouah» confie-t-il
à Cécile Pocheau Lesteven, commissaire à
la BnF. «C’était littéralement “la terre de
la mer” de Lanzarote, des sortes de dépôts
par densité, par poids. »
En parallèle de ces poèmes de la créa-
tion arrachés au néant, le musée Picasso
retient pour thème fédérateur et auto-
référencé entre les deux artistes celui
de l’atelier, comme grand vide central
chorégraphique, arène de lumière où
s’affronter soi-même en des tauromachies
Après Anselm Kiefer, Miquel Barceló envahit le Musée Picasso et la BnF avec
une double monographie, qui le montre à la fois en graveur paléolithique et en
potier néolithique, capable de recréer une caverne des idées au cœur de l’acier
et du béton. À l’heure du retour à la terre, ses attitudes deviennent formes.
Dernier chasseur-cueilleur à oser encore
vagabonder librement sur les terres de
l’Anthropocène – ultime période à ce jour
de notre ère quaternaire (qui a vu l’appa-
rition de l’homme et sa domestication du
monde) –, Miquel Barceló n’est pas un
peintre : c’est un mythe. Alors Barceló,
nouveau Picasso ? Cela tombe presque
sous le sens. Se situant sous l’aile tuté-
laire du grand ancêtre, la BnF propose
une rétrospective de l’œuvre gravée
de Barceló, terrain d’expérimentation
considéré comme l’encéphalogramme
du geste de graver et de gratter – cette
« pulsion assez anale » qu’il dit partager
avec Rembrandt, Velázquez, Matisse et
bien sûr Picasso –, sur tous les supports
possibles et imaginables, avec l’aide de
petits squelettes pourrissants, du braille
ou de la lumière. « Ce qui est génial dans
la gravure, s’enflamme Barceló, c’est
de renverser. De penser à l’envers, ça
t’éloigne suffisamment pour penser le
tout. La gravure, c’est une abstraction, un
résumé de tableaux. » L’artiste ne cesse de
Fresque sur argile, verrière de l’atelier de Vilafranca.