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Éditorial
L’espérance en actes, que furent les
«Printemps arabes» réclamant davantage
de justice et de dignité pour tous les indivi-
dus vivant sous l’emprise des régimes auto-
ritaires de la rive sud de la Méditerranée,
semble sinon compromise du moins en net
recul. La tragique survenue de Daech et
autres fascismes meurtriers, le dramatique
exil des réfugiés qui en est la conséquence,
les images terrifiantes ou traumatisantes
de l’actualité immédiate perturbent forte-
ment notre vision, d’autant que le discours
simpliste non dénué de rancœur postcolo-
niale de nombre de populistes fait de nou-
veau florès en Europe.
Qu’en est-il de la réalité perçue par les
artistes du monde arabe, que reflète leur
création qui, comme toute œuvre néces-
sairement liée à son époque mais dont
les valeurs esthétiques excèdent celle-ci,
implique un certain recul avec l’actualité
brûlante au bénéfice de la durée inhé-
rente à l’imagination et à la subjectivité ?
Qu’expriment les plaques sensibles,
réflexives, singulières et parfois stupé-
fiantes que sont les œuvres photogra-
phiques de ceux qui en sont originaires ou
qui, européens, s’y intéressent ?
On ne peut que se réjouir de l’initiative de
l’Institut du Monde Arabe et de la Maison
Européenne de la Photographie de nous
donner à voir la multiplicité des points de
vue et des processus créatifs en cours. La
fonction de l’art, qui plus est de l’art pho-
tographique, n’est-elle pas, entre autres,
de «contribuer à sortir des clichés les plus
éculés, à révéler des réalités cachées,
volontairement masquées parfois, à amé-
liorer la compréhension entre les peuples»,
comme l’écrit Jack Lang, l’actuel président
de l’IMA.
Nul doute que la création de cette
Première
Biennale des photographes du monde
arabe contemporain
, qui se déroule du 11
novembre 2015 au 17 janvier 2016, va non
seulement nous permettre de découvrir la
diversité des talents qui s’y expriment mais
aussi – mais surtout – contribuer à nous
donner des raisons de ne pas désespérer
de la séquence historique sans précédent
qui, pour le pire et pour le meilleur, tra-
verse cette région du monde.
Pascal Amel
Quedonnent à voir les artistes
photographes dumonde arabe?