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page
50
(
artabsolument
)
no 11 • hiver 2005
(O novykh sistemamakh viskousstv)
Il semble que le diagnostic de l’utilité des che-
mins de fer ait été clairement établi. Parlant des
locomotives et des wagons, la raison dit que le
genre humain s’est fabriqué et se fabriquera
toutes les commodités à son usage personnel et
qu’il progresse dans ce sens. La nature sera
vaincue, car les jambes dont elle m’a fait présent
ne sont rien en comparaison des roues que j’ai
moi-même fabriquées. Le train me transportera
avec mes bagages à la vitesse de l’éclair sur
toute la surface du globe. Je communiquerai
aisément et commodément avec les autres
villes et je bâtirai tout mon État sur le confort ;
mieux encore, avec mon confort, je réaménage-
rai les autres États, et finalement, tout le globe
terrestre. C’est afin de vivre bien, dans le confort
et la tranquillité, le ventre bien calé, que je m’ef-
force de vaincre la nature et ses éléments pour
l’empêcher d’être cause de calamités et de tra-
cas. Je m’efforce de vaincre les éléments à l’in-
térieur du genre humain, car ceux-ci sont mille
fois plus violents et agités que les éléments
naturels. J’aspire à la fraternité et à l’unité qui
me permettront de vivre tranquille et bien
nourri. Et lorsque j’aurai créé une civilisation
parfaite, je me consacrerai exclusivement à elle.
Pendant ce temps, toute la civilisation s’expri-
mera dans la cause économique de la man-
geaille, c’est d’elle que s’occupe actuellement la
raison, d’elle qu’elle s’est toujours occupée, car
à ses yeux la civilisation, c’est le confort.
La course à la civilisation parfaite rappelle le
petit garçon qui souffle dans une bulle de savon,
il y a mis des reflets de toutes les couleurs et
veut gonfler de plus en plus sa bulle ; mais lors-
qu’elle a atteint sa grosseur maximale, elle
éclate, car le petit garçon n’a pas pu prévoir
qu’elle crèverait ; ensuite, il est obligé de souf-
fler dans une autre bulle.
C’est ainsi que l’une après l’autre les civilisations
crèvent. Jamais ne viendra la tranquillité, car où
peut-on trouver la paix ailleurs que dans la tombe
? Et encore on n’y parvient pas toujours. La quête
du confort engendre la rupture avec la nature ou
avec la raison intuitive qui ne pense pas du tout à
faire vivre l’homme dans le confort. L’intuition ne
voit pas là une chose qui restera éternellement
parfaite. Dans les profondeurs les plus éloignées
de l’intuition résident des perfections sans cesse
nouvelles, perfections de l’homme et perfections
du monde, qui s’accompliront par le crâne de
l’homme. La perfection du monde est la perfec-
tion de l’homme, sa perfection dans un orga-
nisme en changement constant, qui se renouvelle
autrement, car sa construction, son système, ne
sont rien d’autre que l’instrument qui permet de
surmonter l’infini. Chaque pas fait dans un mou-
vement de ce genre provoque le naufrage et le
dépérissement du monde existant, de sorte que
notre monde, celui que nous voyons, le monde de
la verdure et de la chair, n’est autre chose que le
prototype choisi pour perfectionner la civilisation
des instruments.
Chacun de nos pas provoque de nouveaux prépa-
ratifs. Puisque les vieux instruments sont hors
d’usage, l’économie demouvement, la défense de
notre énergie, la rapidité de déplacement se
développent inexorablement à l’intérieur de nous,
et nous promouvons de nouvelles inventions qui
leur donnent satisfaction. Pourquoi privons-nous
Le fulgurant inventeur de l’autonomie de la peinture en tant que telle est également un écrivain
d’art aussi talentueux que révolutionnaire. Extrait de l’un de ses textes écrit en 1919.
Domaine public
Des nouveaux systèmes dans l’art
Kazimir Malevitch
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