|
esthétique
|
dessin
|
photographie
|
domaine public
|
sculpture
| peinture |
région
|
bibliothèque
|
évènements
|
page
64
(
artabsolument
)
no 11 • hiver 2005
Comment être artiste abstrait après plusieurs décennies de cette esthétique ? Quelles
nécessités, quelles exigences – quels désirs – motivent cette nouvelle génération d’artistes
se confrontant à leur passé immédiat ?
Peinture
Cinq post-abstraits
Par Delphine Maurant
Les lieux de la ruse
Un récit ? Non, pas de récit, plus jamais
.
C'est ainsi que Maurice Blanchot conclut
La
folie du jour
en 1973, en résistance à l’enjeu
de l’histoire racontée.
Dans les arts plastiques, ce sont les années
que se partagèrent Supports-Surfaces et
BMPT, pour faire le constat de l’aphonie des
pratiques picturales. Une aphonie due à la sur-
face-rempart que constitue leur plasticité, qui
matérialise le choix du peintre de
se retirer
du
tableau, de ne plus en faire le support de pro-
jections spontanées. Cette attitude, présente
également dans la littérature, se confond mal-
adroitement avec le fait, pour l’œuvre, d’être
détachée du monde extérieur, ce dont on
accuse encore trop souvent la peinture abs-
traite. Si la peinture apparaît sans conteste
comme le “lieu d’un mutisme que d’autres
formes d’art ne permettent pas” selon la for-
mule d’OlivierMosset, ilm’apparaît nécessaire
d’examiner comment l’abstraction aujourd’hui
double cet héritage de tentatives pour se
rendre poreuse, transpirer le monde, et
prendre à parti celui qui la regarde.
Ce texte résulte d'une suite de visites d'ate-
liers d'artistes dont je connais le travail
depuis un certain temps déjà. Je suis retour-
née voir chez chacun d'eux, dans les condi-
tions de visibilité qu'offre un atelier, les
œuvres en cours, les séries anciennes, celles
en transit, celles en “stand by”...
Retourner dans ces ateliers signifiait vérifier
combien ces pratiques n'étaient pas closes
sur elles-mêmes et retirées du monde mais
au contraire qu'elles
en étaient
, comme on le
dirait d'un état, et
au moment présent
.
Seulement peut-être pas comme il nous l'or-
donnerait. C'est précisément sur ce point
que porterait la ruse de l’abstraction aujour-
d’hui : ménager l’héritage des années 70
d’une part, et, d’autre part, contourner l'in-
jonction de l'image des années 2000 – soit
l’image de masse – dont le vocabulaire, et
donc les effets, ne souffrent ni lenteur ni
désir au profit d’un usage immédiat. Il en
découle naturellement une mise à l’épreuve
de la perception pour le spectateur.
La ligne remise en circuits, la grille, toujours,
comme trame de fond et la couleur, consti-
tuent le vocabulaire adéquat pour dire ce qui
jamais ne put être dit autrement. Mais cette
écriture se fait aussi l’écho de nos organisa-
tions, intimes ou sociétales. La ligne coudée
de Christian Sindou en serait le tube catho-
dique, serpentine d’un dessin à l’autre.
>
1...,8,9,10,11,12,13,14,15,16,17 19,20