EXPOSITIONS
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Rouen,
capitale d’impressions
à découvrir ces bords de Seine où l’atmosphère si
particulière admet tant de variantes sur un seul
sujet… Ainsi, Pissarro s’installe à l’hôtel du Dauphin
et d’Espagne dès 1883 où Eugène Murer, associé de
l’établissement et grand collectionneur de nouvelle
peinture, organise une exposition durant le mois de
mai 1896 et le laissera toujours bénéficier de condi-
tions d’hébergement avantageuses… Il y figurera
comme second prophète d’une école locale dont les
acteurs –Charles Angrand, Charles Frechon, Robert-
Antoine Pinchon ou Georges Morenne – participent
à un climat d’effervescence picturale dont ils ne
restent pas simplement des suiveurs… D’ailleurs,
certaines de leurs meilleures réussites les hissent
au rang des plus radicaux, comme cet admirable
Pont de pierre d’Angrand
dont l’indigo flatteur fixe une
heure bleue où des silhouettes anthracite arpentent
les pavés couleur de brume. Mais de cette trinité
parisienne, il reste à évoquer ce Paul Gauguin du
début de carrière, encore partiellement empêtré
dans la finance et pétri de la touche vibrante de
ses devanciers, qui fond sur la ville lors d’un séjour
de quelques mois à peine. Animé par une soif de
conquête juvénile visant les collectionneurs locaux,
Murer bien sûr, mais aussi François Depeaux ou
Léon Monet, il y peint alors ce
Coin de jardin
qu’un
Outre la réunion inespérée de onze
Cathédrales
de Monet, l’exposition d’été du port normand
rend hommage à tous les tenants de lamoder-
nité qui modelèrent son image.
En élisant Rouen durant leurs innombrables voyages
à la quête du motif, un trio de l’impressionnisme en
passe de reconnaissance va hisser cette relique de
la vieille France, alors attaquée de révolution indus-
trielle, en épicentre de la nouvelle peinture. Sans
doute Turner s’y arrête-t-il déjà quelques décennies
plus tôt et après lui la génération des paysagistes
arrivés par le train autour de Corot et Huet. Toutefois
il faut attendre les premiers séjours de Monet en
1872 et 1873 pour que l’antique cité surgisse dans
l’histoire mondiale de la discipline. Appelé quelques
années plus tard auprès de son frère pour une affaire
de succession, Monet réalise sa célèbre série des
Cathédrales
en deux épisodes successifs (1892 puis
1894) qui, s’ils marquent un certain aboutissement
de sa réflexion sur les phénomènes de perception
rétinienne, entraînent également d’autres artistes
MUSÉE DES BEAUX-ARTS, ROUEN.
DU 4 JUIN AU 26 SEPTEMBRE 2010.
Une ville pour l’impressionnisme. Monet, Pissarro, Gauguin.
Commisariat : Laurent Salomé, conservateur du musée.
PAR VINCENT QUÉAU
Ci-contre à gauche :
Joseph Mallord William Turner.
La cathédrale de Rouen.
1832, Plume, gouache et aquarelle sur papier bleu,
14 x 19 cm. Tate, Londres, Royaume-Uni.
Ci-contre à droite :
Claude Monet.
La cathédrale de Rouen, le portail et la tour d’Albane, temps gris.
1893, huile sur toile, 100 x 73 cm. Musée des Beaux-Arts, Rouen.
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