Revue Art Absolument n°93 - aperçu - page 11

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DÉCOUVRIR
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Preuve de la volonté des impressionnistes
d’épouser le temps, nombreuses sont les toiles
dont le titre mentionne un moment de la jour-
née – du
Lever
de Berthe Morisot exposé en 1876
à
La Veillé
e qu’expose Albert Lebourg en 1879
pour la première de ses deux uniques participa-
tions aux manifestations d’un groupe à géomé-
trie variable. Faisant leur le sujet des variations
lumineuses dues au mouvement apparent de
l’astre du jour, les spectacles de l’aurore et du
crépuscule ont la préférence de ces peintres.
Moments impressionnistes par excellence ?
Sans doute, puisque c’est
Impression, soleil
levant
(1872) de Claude Monet, avec son cercle
orangé émergeant tout en baignant de sa
lumière l’atmosphère brumeuse du port du
Havre, qui donna son nom au mouvement. Au
musée de Louviers, l’astre se fait plus scintillant
encore et lâche ses reflets comme des copeaux
de couleur sur la mer s’étendant devant
La Plage
de Pourville, soleil couchant
(1882) du même
Monet, qui compte avec le grand raccourci
pointilliste d’une
Vue de Saint-Tropez, coucher de
soleil au bois de pins
(1896) de Paul Signac, les
Meules au couchant
(1909) de Charles Frechon
Prenant le parti de cette « couleur au jour le jour » qui donne son thème à la
quatrième édition de
Normandie Impressionniste
, le musée de Louviers s’offre
une exposition sur la relation entretenue par les impressionnistes avec le temps.
Hétéroclite, l’ensemble rassemble des peintres du groupe tels que Pissarro, Monet,
Signac ou Renoir, mais aussi les moins connus Charles Frechon, Léon-Jules Lemaître
ou Albert Lebourg, souvent réunis sous la bannière de « l’École de Rouen». Manière
de montrer que ces artistes de la même génération s’étant souvent côtoyés étaient
animés par des intentions similaires.
PAR EMMA NOYANT
De l’aube au crépuscule. Couleur impressionniste
Musée de Louviers
Du 11 juillet au 15 novembre 2020
Commissaire : Michel Natier
Impressionnismes,
hymne à l’instant
ou le
Soleil levant à Éragny
(1984) de Pissarro
parmi les toiles exécutées quand le jour et la
nuit se font concurrence. Ombres allongées
aux contours diffus, contre-jours et ciels tout
en nuances bleutées et orangées forment le
vocabulaire de ces instants de grâce.
Dans d’autres paysages, les titres informent
quant au mois ou aux conditions climatiques de
leur exécution. Célébrant la poésie d’une saison,
Sisley peint son
Port-Marly, soirée d’hiver
en
1874, en s’attachant à en décrire les « effets »,
comme Caillebotte, Morisot ou Monet. Chez ces
derniers, on les retrouve jusque dans le titre
de certaines œuvres – ces « effets de neige »
renvoyant à un art imprégné de la sensibilité
commune à ces peintres. Reconnaissable entre
tous, la délicatesse des passages de tons de
Sysley induit sa sympathie à l’égard de cette
saison. Et lorsqu’il ne s’agit pas du moment,
une mention géographique informe sur le point
de vue et amorce une enquête sur les conditions
climatiques qu’offrait le paysage alors – l’ambi-
tion de l’impressionnisme étant de peindre un
lieu réel et spécifique. Surnommé le «peintre de
la Seine» dont l’exposition de Louviers montre
une vue du fleuve peinte à Muids, Albert Lebourg
précise de manière quasi systématique l’endroit
où il pose son chevalet, de La Bouille à Rouen, en
passant par Croisset ou le Mont Gargan.
Claude Monet.
La Seine à Vétheuil.
1879, huile sur toile, 81 x 60 cm. Musée des Beaux-Arts, Rouen.
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