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Éditorial
Créer, c’est le plus souvent inventer de
nouvelles formes, c’est agencer de nou-
velles manières de penser, de dire, de voir
et d’entendre dont nous ignorions qu’elles
préexistaient en nous avant qu’elles
n’émergent à notre conscience. Grâce à la
culture, grâce aux œuvres d’art novatrices,
l’animal dédoublé qu’est l’homme – jouis-
sant du présent mais se sachant mortel,
rationnel mais ayant besoin de se confron-
ter à ce qui est plus durable que lui-même –
surmonte ses limites au bénéfice de la
pluralité dynamique qui le constitue.
L’Ouvert est l’autre nom du devenir de
l’identité se révélant au fur et à mesure de
ce qu’elle expérimente ; l’autre est une part
intrinsèque de nous-mêmes, « l’étrange
étranger », une possibilité de mieux perce-
voir ce que nous sommes.
Au su de l’actualité brûlante, c’est cette
culture ouverte qui, aux yeux du monde,
caractérise les idéaux de la France. C’est
elle, la France qui crée, la France libre
et généreuse, libertaire et construc-
tive, capable d’inclure les productions
et les talents d’où qu’ils proviennent que
menacent les idéologies délétères du res-
sentiment et de l’autodestruction (haine de
soi et haine de l’autre étant les deux faces
réversibles du même). C’est elle, la France
de la création plurielle que nous devons
impérativement défendre.
C’est dire combien la responsabilité (et
la solidarité) de tout un chacun s’avère
cruciale dans cette période trouble, pour
ne pas dire alarmante. Il est urgent que
le Centre cesse peu ou prou d’exclure la
Périphérie, que les pouvoirs publics, en
particulier le ministère de la Culture, ainsi
que des initiatives privées issues du mécé-
nat d’entreprises, prennent la mesure
de la demande de visibilité de nombre de
nos concitoyens, et ce, bien évidemment,
quelles que soient leurs origines. Il est
urgent que des budgets supplémentaires
soient alloués à tous les centres d’art de
la périphérie (y compris les territoires
d’Outre-mer) qui, bien que faisant le plus
souvent un travail remarquable, ne peuvent
accomplir pleinement leur mission. Il est
urgent de passer de la parole aux actes.
Plus prosaïquement dit : toute paix sociale
a un coût. Faute de donner un sens véri-
table à notre belle devise républicaine –
Liberté, Égalité, Fraternité – le pire, qui
n’est pas encore advenu, s’avère désormais
probable. Créer – résister à l’inhumain qui
nous hante enmettant en valeur la diversité
humaine que concrétise la culture, toutes
les cultures, est l’une des conditions à rem-
plir si nous désirons réellement préserver
notre vivre ensemble.
Pascal Amel
La Francequi crée :
la Francededemain?
