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Artistes
Chez Laurent Millet, l’attention aux
phénomènes qui l’entourent – qu’ils
soient naturels ou architecturaux,
vernaculaires ou théoriques – et la
production d’images s’impliquent
l’une et l’autre. L’ensemble de son
œuvre, majoritairement constituée
par une diversité de techniques pho-
tographiques, mais également par
la vidéo et le volume, peut se lire à
l’aune d’équivalences, de transferts
et finalement de rencontres qu’il ins-
tille entre le réel et la représentation.
L’image y est donc un milieu, avec son
climat, sa topographie et son écoule-
ment du temps, qu’il tente d’habiter.
Tom Laurent
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Votre travail photographique en
appelle à plusieurs techniques peu usitées
de nos jours, dont l’ambrotype, qui corres-
pondent à un âge précoce de l’histoire de la
photographie autant qu’à des modes parti-
culiers de révélation de l’image. Comment
êtes-vous venu à vous approprier ces
techniques ?
Laurent Millet
|
Pour ce qui est des négatifs en
papier, mon intérêt était multiple. Tout
d’abord, il y avait la façon dont la matière
du papier apparaissait, le temps de pose
induit par la faible sensibilité du support,
l’impossibilité d’agrandir ces images et
donc la nécessité de les juxtaposer pour
obtenir une plus grande image. Cela cor-
respondait également à un moment où mes
moyens de production étaient limités : le
fait de pouvoir travailler avec la même boîte
pour les négatifs et les tirages, de ne pas
avoir besoin d’agrandisseur au sein de mon
laboratoire, juste d’une lampe au plafond
pour faire les contacts, répondait à mes
possibilités matérielles. Du point de vue
du contenu, cette image en deux parties, sa
matérialité apparaissant du fait de la lon-
gueur des temps de pose, la possibilité de
faire transparaître le paysage et de vertica-
liser l’image, par l’eau qui se fige et devient
lisse, rentraient dans mon projet. J’avais
la volonté d’aboutir à une vision ambiguë
du paysage : à la fois induire le sentiment
d’être dans le paysage et montrer ce pay-
sage comme une page. À sa surface, l’objet