Art Absolument 79 - septembre/octobre 2017 -Apercu - page 5

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ÉDITORIAL
« Il est certain que l’art public, que le
citadin n’a d’autre choix que de subir,
constitue bien un élément de “pollution”,
une qualité qu’il doit à sa sur-présence, à
son autorité. » Daniel Buren, dont tout le
parcours doit à l’inscription – parfois inva-
sive – de son œuvre dans l’espace public,
l’énonce paradoxalement sans fards : à
l’âge contemporain, l’implantation d’une
œuvre d’art – qu’elle se présente comme
des colonnes en marbre blanc et noir dans
Les Deux Plateaux
de ce même Buren, des
projections publiques pour sans-abri avec
Krzysztof Wodiczko, l’emballage intégral du
Pont-Neuf par Christo et Jeanne-Claude ou
un portrait calligraphique de l’abbé Pierre
peint par JonOne – est sommée d’agir
directement sur son environnement. Quitte
à provoquer certains rejets, comme Daniel
Buren en a eu connaissance, s’étant mis à
dos une certaine partie des intellectuels
et des riverains avec son œuvre installée
dans la cour d’honneur du Palais-Royal à
Paris. L’antienne n’est pas nouvelle : Zola
disait déjeuner au restaurant de la tour
Eiffel le plus souvent possible car c’était
le seul endroit où il pouvait ne pas voir
le monument de fer sorti des «mercan-
tiles imaginations d’un constructeur de
machines ». Une différence notable entre
l’art commémoratif dont la III
e
République
a fait les beaux jours et celui qui invite à la
participation aujourd’hui tient néanmoins
à ses modalités d’inscription. Soumises
à l’aval du public, nombre d’œuvres sont
pensées sur un double mode, éphémère et
potentiellement pérenne. Jean Blaise, qui
nous a consacré un grand entretien dans
ce numéro, est directement confronté à ces
questions. Les manifestations qu’il dirige
(
Un été au Havre
et
Le Voyage à Nantes
)
ou qu’il a lancées (
Nuit Blanche
à Paris)
connaissent de fait ces débats. Car susciter
l’adhésion n’est pas toujours aisé, en raison
de la complexe balance entre coût finan-
cier et gain symbolique, parfois mue en
retombées économiques pour le territoire.
Deuxième ville du Danemark et candidate
lauréate pour être capitale européenne
de la culture en 2017, Aarhus s’était ainsi
déjà offert en 2011 une image marquant
les esprits en inaugurant
Your Rainbow
Panorama
, grande promenade circulaire
aux couleurs d’arc-en-ciel commandée à
Olafur Eliasson surplombant la ville du haut
de son principal musée. Voir mais aussi
être vu, en quelque sorte…
Pour Ernest Pignon-Ernest, qui a affiché
ses œuvres dans la rue dès les années
1960, être vu constitue surtout une manière
de donner à voir autrement – c’est-à-dire
aiguillé par lamémoire du lieu – l’espace où
il agit. L’exposition inaugurale de l’Espace
Art Absolument (voir la double page sui-
vante) qui s’ouvre le 14 septembre dans le
13
e
arrondissement de Paris lui est consa-
crée. Bonne lecture et bonne visite !
Tom Laurent
DES ARTISTES
DANS LA VILLE
Laurent Pernot.
La Terre où les arbres rêvent
.
2017, installation Place Royale, Nantes dans le cadre du
Voyage à Nantes
2017.
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