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ARTISTES /
ARTISTS
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ENTRETIEN AVEC /
INTERVIEW BY
CARLOS GARRIDO CASTELLANO
Né en République dominicaine en 1961. Vit et travaille en République dominicaine.
Représenté par les galeries JM’Arts, Paris et Lyle O. Reitzel, Miami.
EXPOSITIONS
2010
ARCO 2010
, galerie Raquel Ponce, Madrid
Mover la Roca
, Centro Cultutal Recoleta, Buenos Aires, Argentine
JORGE PINEDA
Carlos Garrido Castellano
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How did you get your start in drawing?
Jorge Pineda
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I have always been drawing since I was very young: I don’t
remember starting at a particular time. But now that you mention it, yes, I do
remember. My mother was a teacher. She set up a blackboard on the terrace
of our house and divided it with chalk into six sections. One section for each
child. I wanted to do bigger drawings, I needed more space and so I had to
negotiate with my brothers and sisters. My twin sister lent me her section
and the others, who were also twins, rented theirs to me. Since they liked my
drawings, they ended up leaving the whole board to me.
CGC
|
How do you define identity in your work?
JP
|
The theme of identity is present in my work, sometimes as the central
theme, sometimes as a secondary theme. I first became conscious of it in the
immigration control room at the Miami Airport, when an inspector laughed
because my skin color said “Indian color” in my passport. I was 24 years old
and it was the first time I realized that we Dominicans had invented a color
without questioning the ridiculousness of the situation. This was basically due
to a national complex, which very superficially assumed the concept of “being
Dominican” by isolating ourselves from the contexts that had constructed
it. That was when I began to examine this issue from every angle, such as
sexuality, gender, etc.
Carlos Garrido Castellano
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Comment avez-vous commencé à
dessiner ?
JorgePineda
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J’ai toujours dessiné, depuis tout petit, je ne
me souviens pas d’un moment en particulier. Mais
bon, maintenant que vous me posez la question,
oui : ma mère était professeure, elle avait installé
un tableau sur la terrasse de la maison et elle le
divisait en six sections avec une craie. Une section
par enfant. Je voulais faire des dessins plus grands,
j’avais besoin de plus d’espace, je devais donc négo-
cier avec mes frères et sœurs. Ma sœur jumelle me
prêtait sa section, les autres, qui étaient également
des jumeaux, me la louaient. Comme ils aimaient
bien mes dessins, ils ont fini par me laisser tout le
tableau.
CGC
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Comment définiriez-vous l’identité dans votre
œuvre?
JP
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Le thème de l’identité est présent dans mon
œuvre, parfois comme thème central, parfois comme
thème secondaire. J’en ai pris conscience dans la
salle du contrôle de l’immigration de l’aéroport de
Miami, quand la fonctionnaire a ri parce que l’infor-
mation concernant ma couleur de peau sur mon pas-
seport indiquait «couleur indienne». J’avais 24 ans
et c’était la première fois que je prenais conscience
du fait que nous les Dominicains avions inventé une
couleur sans questionner le ridicule de la situation.
En raison, à la base, d’un complexe national qui a
assumé de manière très superficielle le concept
d’«être dominicain». En l’isolant des contextes qui
l’avaient construit. J’ai alors commencé à m’intéres-
ser à cette question sous tous ses angles, comme la
sexualité, le genre, etc.
CGC
|
Comment faites-vous allusion au thème de
l’enfance?
JP
|
J’ai eu une enfance heureuse. Pourtant, en voyant
mon œuvre, on pourrait penser le contraire. Ces
images que j’utilise traitent parfois le thème qui les
illustre, mais d’autre fois ne sont qu’une métaphore
de la société. D’une société qui refuse de grandir
et préfère mal se comporter au lieu d’assumer ses
responsabilités. Le spectateur décide en fonction de
ses références. Ma responsabilité en tant qu’artiste
est d’arriver à ce que le spectateur qui voit l’œuvre
ouvre à nouveau les yeux. Qu’il voit encore cette quo-
tidienneté qui lui est devenue invisible à force d’être
devant ses yeux.
CGC
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Comment utilisez-vous le contraste entre ce qui
est caché et ce que l’on montre?
JP
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Je suis un admirateur de Jung, le psychanalyste.
Dans une de ses propositions, il parle d’ombre
comme de cette part de l’individu qui fait partie inté-
grante de lui, mais que celui-ci n’accepte pas en tant
que telle et voit comme quelque chose de négatif, une
source de conflit. Ce dialogue conflictuel et pertur-
bateur m’intéresse comme façon de dépeindre non
seulement l’individu, mais aussi la collectivité. C’est
un thème que je traite dans la série
Niñas Locas
, qui
est constituée de portraits de quelques amies et de
mes angoisses.