Le
froid
et la
fureur
de
Gallen-Kallela
Par Emmanuel Daydé
Musée d’Orsay, Paris.
Du 7 février au 6 mai 2012.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Une passion finlandaise.
Commissariat : Philippe Thiébaut (Paris), Janne Gallen-Kallela-Siren (Helsinki), Barbara Til (Düsseldorf)
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Expositions
Dans l’histoire de la virilité, Akseli Gallen-Kallela
tient une place de choix. C’est la masculinité
rugueuse et tragique de son art qui le rend suspect
de nationalisme étroit à nos yeux contemporains,
alors qu’il s’agit d’une quête minimaliste de l’es-
sentiel, d’un retour au désert de glace et de feu. En
1899, pour le baptême de ses deux enfants, il fait
venir en traineau dans sa maison en bois de
Kalela,
sur une presqu’île au fin fond de la grande forêt de
Carélie, loin de toute civilisation, le compositeur
Jean Sibelius et le chef d’orchestre, Robert Kajanus.
À peine l’artiste, habillé à la façon de Vaïnämöinen,
le druide légendaire du
Kalevala
, a-t-il accueilli ses
amis, qu’il les envoie couper un immense pin avec
une simple hache. Comme les deux citadins – alors
plus habitués aux beuveries des salons de l’hôtel
Kämp qu’au carélianisme physique de leur hôte –
peinent à la tâche, le colosse se porte à leur secours
et abat l’arbre en quelques coups rapides. «Retourne
dans ta forêt » aurait d’ailleurs dit, excédé, l’un de
ses professeurs au jeune sauvageon. Rebelle à
toutes les écoles, qu’il s’agisse du lycée à Helsinki
ou de l’Académie Julian à Paris, l’âme agitée de
Gallen-Kallela n’a jamais souhaité vivre qu’au plus
près de la nature vierge et des terres inhabitées. Ne
tenant jamais en place, cet aventurier, contemporain
de Jack London – et qui veut comme lui «brûler tout
son temps» loin de la foule déchainée –, s’enracine
dans sa terre finlandaise, tout en ne cessant jamais
de voyager au loin dès qu’il le peut. Revêtant des
tenues ébouriffantes à la ville ou sportives à la neige,
arborant un crâne rasé et de longues moustaches en
pointe – qui lui donnent un air du Kaiser Guillaume II
et du poète russe Maiakowski tout enmême temps –,
Gallen-Kallela a vécu sa vie surabondante à la façon
du dernier des Vikings.
Après avoir tenté en vain de conquérir Paris en usant
du réalisme le plus cru, il décide de retourner vivre
en Finlande. En Carélie, il s’attelle à la construc-
tion de sa maison-œuvre d’art total de Kalela, dont
il conçoit la décoration, le mobilier, les vitraux et
jusqu’à lamoindre poignée de porte ou cendrier, dans
l’esprit des
Arts and crafts
de William Morris, «avec
la volonté de l’homme primitif qui invente et crée
ses outils » (Van de Velde). Sous les nuits polaires
étoilées du lac Ruovesi, à l’extrémité du monde et
de la frontière russe, ce prince des bois prend le
nom de Gallen-Kallela et se consacre à l’œuvre
Portrait de l’actrice Ida Aalberg.
1893, huile sur toile, 49 x 37 cm.
Finlande, Mänttä, Gösta Serlachius Fine Arts Foundation.
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