Page 41 - Aperçu Livre Job, l'art au défi de l'espérance

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Yann Toma
Né en 1969 à Neuilly-sur-Seine. Il vit et travaille à Paris et à New York.
Le serment de Job
Le 15 novembre 1973, Chris Burden réalise une performance inti-
tulée Doorway to heaven . L’artiste entreprend, devant un public
restreint, de mettre son corps au contact de deux fils électriques :
« À 18 heures, je me tenais à la porte de mon studio face à la
promenade de Venice. Quelques spectateurs m’ont alors regardé
plonger deux fils électriques en charge sur ma poitrine. Les fils,
en se croisant, ont explosé, brûlant ma peau mais me sauvant,
dans le même temps, de l’électrocution. » Par cette performance,
Burden convoque l’énergie électrique comme médium à travers
lequel il souhaite atteindre symboliquement le « paradis ». La
source d’énergie porte à elle seule le pouvoir de vie ou de mort
sur l’artiste à l’instant même où il la met en conduction avec son
propre corps. L’instant de la jonction est celui de la brûlure, celui
d’une frappe brutale qui meurtrit et traverse irrémédiablement
le corps. La palpation de courant modifie intérieurement l’être et
le corps dans une charge imprévue et nouvelle. C’est le temps de
l’induction, celui de la traversée d’un flux magnétique. C’est aussi
celui de la transe, d’un état modifié de conscience de l’être. C’est
le temps de l’émergence de l’énergie artistique.
Toutes les forces en jeu qui influent sur nous continuellement
et sur le monde contemporain impliquent la mise à l’épreuve du
corps par un flux continu, ce à un moment donné de son activité. Il
y a ici convoquée la question de la continuité et de la rupture tout
à la fois. Tout comme Job, le philosophe Richard Shusterman est