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ARTISTES /
ARTISTS
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Née en Martinique en 1964. Vit et travaille à Trinité, Martinique.
www.aica-sc.net
EXPOSITIONS
2008
Entre(s)-Choc(s)
, fondation Clément, Le François, Martinique
2006
De lieux en lieux
, galerie A. Arsenec, Atrium, Fort-de-France, Martinique
ENTRETIEN AVEC /
INTERVIEW BY
AGATA FRANKOWSKA-THUINET
VALÉRIE JOHN
Agata Frankowska-Thuinet
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In your latest works, short films shown on translucent
screens, you are using new technologies…
Valérie John
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For some time now, I have been describing the artist as a purveyor
of image-materials. This work makes use of a new medium, but it enters into
synergy with what I call the “palimpsest”. The idea is always to use elements
that create an event in our everyday life. For the triptych
Je suis née sur une île
amoureuse du vent
,
they are images extracted from films shown to tourists who
visit the Fondation Clément. The idea was to compare these images of “facto-
ries”: idea factories, image factories, and my own factory – my studio-work. To
layer and weave these elements together by constructing these palimpsests.
AFT
|
How is this perceived by the public?
VJ
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There are signs that refer to a history that can be quite close – there are
still people cutting sugar cane. But people immediately think of a more distant
history. They talk a lot about pictorial qualities. The color choice is deliberately
extremely dense. There is a critical side to color that is cut through with
images, color that is shaped by history.
It is an open-ended series. I am in the process of collecting images of Haiti,
Japan, the new studio that I am still appropriating, old books, etc.
Agata Frankowska-Thuinet
|
Dans tes derniers travaux, des
courts métrages présentés sur des écrans translu-
cides, tu utilises des nouvelles technologies…
ValérieJohn
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Depuis un certain temps, je qualifiais l’artiste
de passeur d’images-matières. Ces travaux usent d’un
nouveaumédium, mais qui rentre en synergie avec ce
que j’appelle le palimpseste. L’idée est toujours de
faire usage d’éléments qui créent un événement dans
notre quotidien. Pour le triptyque
Je suis née sur une
île amoureuse du vent*
, ce sont des images extraites
de films présentés aux touristes visitant la fonda-
tion Clément. L’idée était de croiser ces images de
fabriques : fabriques d’idées, d’images, et ma propre
fabrique –mon atelier-œuvre. De superposer et tisser
tous ces éléments en construisant ces palimpsestes.
AFT
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Comment le public le perçoit-il ?
VJ
|
Il y a des signes qui renvoient à une histoire qui peut
être proche, les coupeurs de canne existent encore.
Mais les gens pensent tout de suite à une histoire plus
lointaine. Ils parlent beaucoup de picturalité. Le choix
coloré est volontairement très dense. Il y a un côté cri-
tique dans la couleur traversée par les images, cette
couleur qui serait façonnée par l’histoire.
C’est une série ouverte. Je suis en train de collecter
un certain nombre d’images de Haïti, du Japon, du
nouvel atelier que je m’approprie en ce moment, de
vieux livres…
AFT
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De quels livres s’agit-il ?
VJ
|
Ces ouvrages sont des prétextes pour bâtir une
nouvelle histoire. Je suis en train de désosser un
livre –
Le grand bateau en fer blanc
. Le titre convoque
à la fois un passé et un présent. La question du voyage
et de l’eau sont présentes, ça m’interpelle. En même
temps, il s’agit de vie humaine dans cette traversée
par bateau en fer. Je pense que c’est l’un des pre-
miers bateaux à vapeur qui permettait d’effectuer la
traversée. Jeme racontemoi-même une histoire dans
l’histoire entre l’Europe et les Amériques. Jeme l’ap-
proprie et elle complètemes propres histoires liées à
la traversée, pas forcément liées à l’esclavage. Cela
peut évoquer les voyagesmodernes et tous les dépla-
cements de gens aujourd’hui dans le monde.
AFT
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Tu écris souvent sur ton propre travail. L’écriture
n’est pas un simple commentaire mais devient une
matière en soi.
VJ
|
C’est une dernière couche qui arrive dans cet ate-
lier-œuvre. Mais c’est toujours la même chose que je
bâtis. Ce sont des prétextes pour sortir de la crainte
du geste répétitif, c’est ma plus grande peur. L’idée a
été au départ de me montrer le plus radical possible
du point de vue du geste pour laisser arriver ce que
j’appelle la posture d’errance.
*
Je suis née sur une île amoureuse du vent
, titre emprunté demanière
ironique au premier vers du poème
L’île lointaine
de Daniel Thaly,
appartenant à une forme littéraire qualifiée de doudouiste, utilisant
une représentation convenue de la réalité de la France d’outre-mer,
en particulier des Antilles françaises. Elle se caractérise par sa pro-
pension à ne retenir de ses territoires que leurs manifestations les
plus exotiques et des descriptions pleines de clichés.