CIVILISATION
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INSTITUT DU MONDE ARABE.
DU 6 OCTOBRE 2009 AU 14 MARS 2010.
Arts de l’Islam, chefs-d’œuvre de la collection Khalili.
Commissaires : Aurélie Clemente-Ruiz et Éric Delpont.
islampluriel
PAR CHRISTINE BUCI-GLUCKSMANN
a une valeur éminemment symbolique. Du reste,
nombre de ces illustrations circulaient dans tous les
pays islamisés et servaient de certificat de pèleri-
nage. Mais on retrouve cette même écriture arabe
dans les décors calligraphiques et religieux des mos-
quées et même dans des objets plus quotidiens. Car
la frontière entre sacré et profane n’est jamais totale.
Tel Coran emprunte ses motifs à la joaillerie, et les
calligraphies ornent souvent des pots d’argent, des
tentures ou des céramiques.
Autre monde, celui de l’Inde moghole, avec son
fabuleux trésor : émeraudes en boîte cylindrique, en
pendentif, boîte à bétel émaillée avec décor floral,
plat sur piédouche aux émaux translucides rouges
et verts, bouteille ou tabatière sertie de rubis, bijoux
en cristal de roche et jade. Tout m’évoque les somp-
tueux palais du Rajasthan et surtout le célèbre Taj
Mahal, de marbre blanc, avec son reflet dans le
miroir d’eau, véritable métaphore de l’amour de
Muntaz Mahal pour son épouse bien aimée. Mais
Que l’islam ne soit pas seulement une religion
mais aussi une philosophie qui traverse les arts et
les sciences, et que son expansion ait touché les
cultures, les empires, les peuples les plus divers,
de l’Espagne à l’Inde : telle est la première décou-
verte de cette superbe exposition de la collection de
Nasser David Khalili :
Arts de l’islam
.
L’exposition s’ouvre sur une collection aussi éton-
nante qu’inédite d’illustrations des lieux saints de
La Mecque et Médine, jusqu’à Alexandre devant la
Ka’ba, dans une illustration de Chiraz, conformément
au récit de Nizami. Mais qu’il s’agisse du tombeau de
Mohammad à Médine, des miniatures du Cachemire
ou des gouaches multiples de La Mecque aux XVI
e
et XVII
e
siècles, avec leur cénotaphe drapé de noir
et leur mosquée en coupoles répétées, en file et en
séries rectangulaires, on retrouve une même beauté
géométrique et décorative qui me fait souvent penser
à Paul Klee. Un sacré “abstrait” et codé, dans une
sorte d’harmonie narrative et topographique, qui
>
À gauche :
Le géant ‘Uj et les prophètes Moïse, Jésus et Mahammad.
Page provenant d’une copie du
Qisas al-Anbiyâ’
(Les Légendes des prophètes)
Début du XV
e
siècle, gouache et or sur papier, 38 x 25 cm. Iraq ou Iran.
À droite :
Coran en un volume.
1382-1383, encre, or et gouache sur papier,
écriture
muhaqqaq
, 43 x 30 cm. Égypte.