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ARTISTES /
ARTISTS
38
DominiqueBrebion
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Could you briefly describe your approach to the plastic arts?
Thierry Tian Sio Po
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Since the end of the 1980s, my work has focused on trying to
show what is complex and inextricable within us, either by combining figures
and signs, or in the form of a landscape bordering on abstraction, like the echo
of a reality whose appearances are both the effects of monolithic, invasive
thinking and ways of resisting it. Today, your staging of the inextricable is
seeking to be permeated with the idea of motion, profusion, proliferation,
excess, irony about our contradictions and about embellishment, the precious
and the lavish. There is a critical intention behind rerouting the “baroque
feast”. The idea is to express the importance of the meaning carried by this
justification of the work.
Né en Guyane en 1964. Vit et travaille en Guyane.
EXPOSITIONS
2011
Inextricable
, Fondation Clément, Martinique
OMA (Outre-Mer Art contemporain)
, Orangerie du Sénat, Paris
ENTRETIEN AVEC /
INTERVIEW BY
DOMINIQUE BREBION
THIERRY TIAN SIO PO
Dominique Brebion
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Pouvez-vous décrire brièvement votre
démarche plastique?
ThierryTianSioPo
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Depuis
la fin des années 1980, mon tra-
vail s’applique àmontrer le complexe et l’inextricable
en nous, soit à travers la figuration et le signe mêlés,
soit sous la forme du paysage à la limite de l’abstrac-
tion, comme écho d’un réel dont les apparences sont
à la fois les effets d’une pensée unique envahissante
et les manières d’y résister. Aujourd’hui, cette mise
en scène de l’inextricable veut être imprégnée de
l’idée de mouvement, de profusion, de prolifération,
d’excès, d’ironie sur nos contradictions, sur l’enjo-
livement, le précieux et le faste. Derrière la « fête
baroque » détournée, l’intention critique est pré-
sente, avec l’idée de l’importance du sens portée par
cette justification de l’œuvre.
DB
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Comment mène-t-on sa carrière artistique
lorsque l’on vit en Guyane?
TTSP
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En essayant de se frayer un chemin dans cette
complexité qui nous caractérise. Cela signifie la
constante recherche du langage pertinent, nous
offrant un brin de reconnaissance à l’extérieur mais
qui n’exclut pas une méfiance vis-à-vis de la norme
internationale imposante. Il faut aussi fonctionner
anormalement avec les médias locaux qui ne s’in-
téressent pas aux enjeux véritables de la création
artistique et qui élargissent le fossé entre le public
et les créateurs.
Cela signifie également d’une part, produire coûte
que coûte, parfois avec des moyens pauvres en
sachant que les fortunes locales ignorent les intérêts
du mécénat, ce qui retarde l’apparition d’un marché
de l’art, et d’autre part, naviguer sur une histoire de
l’art naissante dans nos régions.
On mène sa carrière artistique en Guyane dans l’at-
tente de sollicitations d’institutions de l’art qui choi-
sissent de se défaire d’une certaine idée de l’altérité et
d’un regard néo-exotique sur lesœuvres d’«ailleurs».
DB
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Quel regard portez-vous sur le milieu artis-
tique caribéen, dans l’archipel et dans la diaspora,
ainsi que sur sa capacité à s’intégrer au marché
international ?
TTSP
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Dans la région caraïbe et dans sa diaspora, il y
a une remise en question des langages qui est assez
visible depuis quelques années. Beaucoup d’œuvres
réussissent à être ancrées géographiquement en
évitant cette forme d’exotisme sur soi-même. Elles
s’ancrent géographiquement dans l’articulation
au politique, à l’histoire, dans l’approche sociale et
dans la problématique identitaire qui demeure tou-
jours, cela avec des attitudes nouvelles. Le problème
aujourd’hui est de savoir si ces nouvelles attitudes
apparaissent pour tenter d’intégrer le marché inter-
national ou pour les nécessités de la création. Toutes
les tentatives d’approche de cemarché seront vaines,
même en se soumettant à ses normes, si les institu-
tions de l’art n’apprennent pas à apprécier lesœuvres
de nos régions dans leur contexte social et historique.