L’Art
en
guerre,
France 1938-1947
ou les
artistes plasticiens
en
France
pendant
la
Seconde Guerremondiale
Par Pascale Lismonde
Jean Dubuffet.
Mur aux inscriptions
.
1945,
huile sur toile. The Museum of Modern Art, New York.
>
En août 1942, au cœur de la Seconde Guerremondiale,
le Musée national d’art moderne rouvrait partielle-
ment au Palais de Tokyo avec l’exposition
Cinquante
ans de création nationale
,
c’est-à-dire, purifiée de toute
œuvre d’artiste «étranger», même les phares de l’art
moderne allumés à Paris au début du XX
e
siècle.
Ainsi, pas de
Tête de Fernande
,
de
Demoiselles d’Avi-
gnon
,
et encoremoins de
Guernica
:
Picasso l’Espagnol,
relégué par les nazis parmi les «artistes dégénérés»
est interdit d’exposition. D’ailleurs, en 1940, le gou-
vernement de Vichy a refusé la nationalité française
à cet anti franquiste notoire (il ne la demandera plus
jamais), même s’il fait les heures glorieuses de Paris
depuis quarante ans. Alors, retranché dans son atelier
des Grands Augustins, Picasso fait sa guerre à coup
de chefs-d’œuvre :
L’Aubade
à une longue femme nue,
étendue telle un saint Laurent sur son gril, ses têtes
de mort et ses natures mortes de temps de disette,
sa
Tête de taureau
à partir d’une selle de bicyclette et
d’un guidon, son
Homme au mouton
Durant l’été 1942, en réponse aux
Surhommes
du
sculpteur Arno Breker choyé par Hitler, qui exhibent
fièrement leurs muscles d’acier à l’Orangerie des
Tuileries, l’exposition du Palais de Tokyo, pour affir-
mer « l’identité artistique française» (fuyante en ces
temps de défaite) met au rancart ces artistes qui
gênent «l’ordre nouveau» imposé par l’État français :
éliminés les Mondrian, Soutine, Gonzales, Modigliani,
Miró, Dali, Ernst, Hartung, Lam, Bellme, Kandinsky et
tant d’autres, étrangers accourus à Paris d’Europe du
Nord, de l’Est et du Sud dans l’enthousiasme du XX
e
siècle naissant pour créer un art nouveau. Éliminés